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Pas assez généreuse


crédit: Le chat orange photo

Pas assez…généreuse.

C’est bientôt Noël.

T’es excitée comme un ado devant une craque.

Ou un douche dans un garage.

T’as pensé à tout.

Cette année est la bonne.

T’as pris congé pour acheter des décos à rabais, fausse labyrinthite.

T’as utilisé tes dimanches d’automne à tester des plats au lieu d’aller aux pommes.

T’as écouté tous les classiques de Noël en tricotant des bas.

T’as fait sécher des branches de conifères partout.

Tu les as glitterisés, t’as pailleté des boules, ajouté tout ce qui se vend dans la rangée homemade du magasin une piasse.

T’as fait congeler des chaudières de glaces pour faire une allée en sculpture de lumières.

Ton sapin NATUREL triomphe.

Tellement chargé qui donne le tournis.

T’as même une crèche art déco, avec un Jesus habillé en Dubuc.

Tes cadeaux sont emballés par thématique.

Celui de Pierre-Luc est couvert de rapalas stylish.

Marylin a des vieux vinyles avec des partitions d’époque.

Aimée a des minis bobines de fil, des tissus rétros, trouvés au bazar.

Après un deuxième round de vérification générale…

HORREUR !

Le eggnog que t’as acheté est périnée.

Non périmé.

Ton sang se glace like ton allée.

Les petits chiffres alignés en pattes de mouches sur la boîte te rendent folle.

Plus tu les regardes, plus ils restent les mêmes.

Tu l’ouvres, le sens, c’est OK.

Tu vois un motton.

Tu cours au marché, baboune de Cruella incluse.

Même si tout le monde est à boutte d’entendre jingle bell, toi tu l’entends pour la première fois, à chaque fois.

Tiens, un faux Père- Noël (comme dab) qui ramasse des dons pour les enfants malades.

Tu te flanques devant lui, fouilles dans ta sacoche.

Selfie avec le dodu.

Purell, tu continues.

T’entends ton nom.

C’est Pierre-Luc, souriant.

-Salut ça va ? qui dit (bisou, bisou, de loin, microbes)

-Oui très bien, à part un gros dossier à régler.

-Tu veux venir faire du bénévolat avec les potes pour Noêl?

Avant même de réfléchir, en dedans toi ça dit : non.

-Ben non Pierre-Luc, je ne peux pas, j’ai tellement d’affaires à faires, je suis dans le jus…

Blablablabla ! Nanani-nanana.

Pierre-Luc Sky Walker, compatissant, te souhaite bonne chance.

-On se voit le 24 ?

Bisou, bisou, bye !

Purell.

Le eggnog est là, à flirter avec la margarine, t’es aux anges.

Tu scrutes les dates d’expiration comme un archéologue à Khéops.

C’est bon, cinq dans le sac, au cas.

Home sweet home, tu pauses pour admirer ton œuvre.

Émotion, ça pique les yeux toute cette joie.

Tu révises, relaxes, te vitamines, t’esthéticienne, te spa important.

Tu veux être parfaite, comme ta buche.

Le 24 au matin, une petite neige tombe doucement sur ton royaume de beauté.

Tu mets Nuit de paix, en regrettant presque d’être athée.

Que c’est donc beau la vie!

Un bain, robe bien pressée, bas de nylon impeccables, manucure et mise en plis.

Sur tes oreilles, des étoiles identiques à celles qui trônent sur l’arbre.

Hi ! hi ! hi ! Machiavel.

T’enfournes, fouettes, enfournes, déposes, décores.

La table est montée depuis deux jours.

Les noms des convives, gravés sur chaque coupe, sont agrémentés de minuscules flocons. Comme ceux qui tombent sans relâche par ta fenêtre clochetée.

Ding dong !

Ils arrivent les uns après les autres, le visage rayonnant.

Marilyn est en jeans ? (Scandale! Fais semblant de rien.)

Pierre-Luc a juste apporté de la bière.(Scandale! Fais semblant de rien.)

Aimée n’est pas maquillée ?

Ils ont tous les mains vides ? (Re-scandale, câliboire !)

Reset.

Après tout : Noël c’est l’amour !

Apéro, la fête commence.

Ils parlent beaucoup entre eux.

Surtout du bénévolat.

Ils y étaient tous.

Ils ont adoooorés.

« Les gens étaient si touchés par leurs gestes, si reconnaissants, ça remplit le cœur et l’âme, ils veulent le refaire l’an prochain… »

HÉ ho ! Il y a pas juste ça comme sujet !

-Vous avez vu mon petit Père Noël animé sur la toilette ?

Et mes couteaux d’aspic de Noël commandés sur EBay ?

On dirait qu’ils s’en foutent.

Tout le monde s’empiffre.

« C’est délicieux, qu’ils disent. »

C’est la moindre des choses merde !

Même Curieux Bégin n’a pas cuisiné si longtemps dans toute sa carrière.

-Les cadeaux !

« Ce n’était pas nécessaire, qu’ils disent. »

Ouin facile à dire.

Ils n’ont strictement rien apporté. Les cheaps !

Snif !

-C’est l’émotion…de vous avoir tous ici ensemble en ce jour si spécial.

-Comment as-tu pu tout organiser ça ? Toi qui travailles si fort ?

-Ah il n’y a rien là, quand on a le cœur sur la main, c’est facile !

Il se fait tard, Pierre doit rentrer.

Demain il aide son voisin à emménager avec sa famille.

-Quoi un 25 décembre ?

Marilyn et Aimée quittent aussi.

Elles donnent un atelier « contes de Noel » aux enfants de la bibliothèque.

Tu te vides de ton sang.

Ils t’embrassent et te remercient.

Dans tes oreilles, un bourdonnement sourd t’empêche d’entendre les mots exacts.

Ils ont l’air si heureux, si suffisant.

Ils n’ont pas besoin de tout ton amour ?

T’es immobile devant la porte, livide et vidée.

Des pas dans la neige.

Au loin, des éclats de rire.

En face, les voisins bouffent encore.

Tu ne savais pas qu’on pouvait avoir mal à son Noël.

Pire qu’une peine d’amour.

Tu fermes la porte, confuse et désillusionnée.

Fuck ! T’as oublié de servir ta buche parfaite.

Tu la prends, la sacre aux poubelles.

Une grosse maille dans tes bas de nylon.

Noël c’est l’amour ?

Va chier Satan de Santa !

Le bénévolat…c’est même pas tendance.

© 2017 Marie-Eve Larivière

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