Pas assez maigre
T’entres au gym, t’es déjà essoufflée.
Pas parce que t’as un cardio de bouette.
Non.
Tu veux tellement maigrir que tu t’entraines avant de t’entrainer.
Bon, une tite gorgée d’eau tiède, tour rapide au vestiaire.
Deux trois boules à l’air plus tard, tu sors et arrive nez à nez avec ton coach.
Celui qui sort tout droit d’un film avec Stallone du temps qu’il n’était pas décomposé.
Il est kitch, il cale, il a mauvaise haleine, il se prend pour un Dieu.
Pas Dieu comme dans le sens : aimez vous les uns les autres.
Dieu comme dans : moi j’ai des muscles surnaturels et une absence inquiétante de matière grasse qu’aucun humanoïde ne peut reproduire à moins d’y consacrer son existence entière.
Longue phrase pour dire qu’il se prend pas pour de la marde.
Bravo mon Marco, avec tes culottes mauves fluo.
C’est pas Aladin qui en avait des pareils ?
Là, il te regarde avec sa petite face bronzée du gars qui veut te faire sentir coupable d’avoir un corps.
Comme si juste le fait d’avoir quelque chose qui enrobe tes os, c’est trop pour sa vision.
Tu tentes tant bien que mal de lui survivre.
Faque God te fait embarquer sur l’elliptique.
La patante qui te donne l’air de courir comme un vélociraptor handicapé.
Tu te fais aller le body là dessus en essayant de pas trop réfléchir.
Les pensées partent et viennent, comme ta masse corporelle.
C’est-tu la récup aujourd’hui?
J’ai pas rappelé Martine pour le souper moi là.
Qu’est-ce qui me manque donc à l’épicerie ?
Faudrait que je prenne, ah oui c’est ça : des poivrons rouges, de la lime…
Hum ça me fait penser que ce serait bon un mojito, avec des nachos…
J’ai faim.
Je veux des nachos,
Wo ! On se concentre.
On pense à rien.
Ma balayeuse est pas passée.
Il est ben cute lui là-bas.
Il me regarde.
Fuck j’ai les cheveux gras.
Gras :Le mot qui tue.
Pourquoi donc le gras, c’est bon mais c’est pas beau ?
Respiration qui accélère.
Pouls qui clenche.
Le vélociraptor en arrache.
T’accroches maladroitement le piton de commande.
AHHHHH !
Tu pars ‘’rien que sur une patte’’ et tu revoles sur le côté.
Heureusement God save the queen.
Il te rattrape et touche à ton bourrelet humide.
Des senseurs dans ton corps t’avertissent immédiatement de feeler honteuse.
La police du bien-être t’arrête ton fun dre-là.
Quand on touche ton gras, t’es mal.
Ton mental souffre.
T’as le goût de crucifier Marco.
T’oses pas regarder autour.
Tu bois de l’eau à ta gourde qui goûte le fond de gourde.
La sueur brûle tes yeux ou bien c’est des larmes de honte ?
Quelqu’un t’as peut-être vue ?
Ça se peut des larmes de honte.
Tu t’éponges avec ta serviette verte tachée à l’eau de javel.
Tu prends tes clics pis ta claque.
T’as envie de te sacrer ‘’sul’’ Prozac.
En sortant, tu croises un petit café.
Le petit café où il y a les meilleurs cupcakes au monde.
Ils sont bons à s’en péter la tête sur le bord du trottoir.
Fuck !
T’entres, t’en commandes deux.
Non un, faut être raisonnable.
Le Red Velvet !
Tu salives.
Et tu sors heureuse en te bourrant de ce nuage rouge d’exaltations crémeuses.
Un mec t’observe, mangeant ton cupcake comme une demeurée.
Il te sourit.
Tu souris.
Sourires à pleines dents.
Clin d’œil.
Crémage sur le bord de la bouche.
Bouchée de bonheur.
Bouffée de bonheur.
Regard au ciel.
Alléluia !
© 2017 Marie-Eve Larivière
